Le Grand cauchemar

Le Grand cauchemar

Il était un temps pesant où la peur et l’inquiétude avaient assombri le ciel de l’humanité. La science, longtemps utile et rassurante, suffoquait dangereusement sous le joug des faiseurs de destinées. Le verbe, sacré depuis les origines s’était peu à peu enlaidi et drapé des plus sombres intentions.

Les beaux parleurs et les hypnotiseurs se bousculaient de ci de là, crachant leur anxiété et leurs ordres, à travers la boite à illusions, prédisant des tragédies perçues comme imminentes.

Le monde agonisait et l’accouchement dans la douleur d’une nouvelle conscience collective se faisait attendre, le temps pressait véritablement. Les peuples de la terre étaient maintenant conduis par un esprit dont l’entêtement machiavélique échappait encore au plus grand nombre.

La peur, grande faucheuse du discernement et de la clairvoyance s’était abattue soudainement, à la faveur d’un virus ayant emporté des frères et des sœurs déjà fragiles, parfois quelques-uns de nos proches et dans une profonde douleur, certains de nos enfants. Il n’en fallait pas plus pour que l’ombre, déjà rassemblée en légions éparpillées au quatre coin du globe, étende son pouvoir et se révèle un peu plus au grand jour.

Privés de la possibilité de respirer au grand air, sans aucune raison rationnelle et scientifique, nous nous trouvions amputés de la liberté d’être et de vivre, pour notre plus grand bien et pour combattre un ennemi invisible.

Le choc avait été tel que la plupart d’entre nous avait accepté de bonne grâce de se plier aux obligations. Sous l’emprise de forces non saisies par l’intelligence, l’échine courbée, la résignation gagnait autant que la colère.

Il s’agissait de ne plus se toucher, de ne plus se fréquenter, et pire encore, de ne plus s’embrasser. La nature, grande alliée des corps et des esprits en bonne santé était à peine accessible. Alors que la plus grande « opération de magie noire » était à l’œuvre et sous les yeux des enfants de la terre, les quelques éveillés et éclaireurs alertant étaient bannis, précipités au feu du mépris.

Partout la souffrance augmentait, j’entendais l’agonie de mes frères, le désespoir de mes sœurs, les rires mortifères des geôliers de la terre. De sombres moments approchaient, tel un ciel saturé de nuages lourdement chargés, nous implorions une délivrance. Le feu prométhéen était attisé, le chaudron des puissances ancestrales était volontairement agité.

Réveillé en sursaut, la gorge sèche, je me sentais vide et sonné par l’intensité de ce cauchemar, tentant de me rassurer en palpant les draps dans lesquels je semblais avoir combattu je ne sais quel monstre nocturne.

Je me levais enfin et fébrilement, je me suis approché de la fenêtre. La matinée était déjà bien avancé et dans la rue, là, sous mes yeux, la vie ne souriait plus. Derrière le brouillard distillé par les forces du chaos, l’aube d’une ère nouvelle pointait déjà à l’horizon…

O.V