Mal de terre

Mal de terre

Il était une fois un peuple de jardiniers qui doucement laissait rouiller ses outils. La terre n’était plus semée, tout juste labourée et éventrée par des machines à l’allure de prédateurs affamés. Une course infernale vers toujours plus de rentabilité étouffait le drame silencieux d’une terre appauvrie, presque morte, poussant l’humanité vers de funestes lendemains.

A l’ombre de la poussière toxique laissée par l’épandage d’une chimie dévastatrice, les affaires allaient bon train et le sommeil du plus grand nombre rendait facile l’empoisonnement de la vie.

L’heure était grave, elle réclamait un sursaut, une révolution des pelles et des pioches, un réveil de la lucidité et du bon sens. La courte marge de manœuvre dont bénéficiait les hommes affairés aux petites choses voilait les abîmes qui approchaient à grand pas.

La Terre-Mère suffoquait, lacérée dans sa chair et la tiédeur des faiseurs de lois trahissait leur cupidité autant que leur ignorance. Des forces muées par une intelligence privée du moindre sentiment d’amour œuvraient à l’appauvrissement de l’humanité, canalisant l’énergie du plus grand nombre dans un labyrinthe sans issue.

De multiples îlots formés par la nouvelle humanité travaillaient sans relâche à l’ancrage d’une conscience respectueuse du vivant et les nombreux écosystèmes profondément délabrés par des méthodes de culture mortifères imploraient un sursis.

Partout des voix s’étaient élevées, les hideux constats dressés par une multitude d’experts, de scientifiques, d’hommes et de femmes revenus à la raison peinaient à réveiller le plus grand nombre affairé au lavage de leur voiture et hypnotisés par les nouvelles technologies.

La résignation et la passivité ambiante servaient les pourvoyeurs de végétaux sans vie, s’engraissant toujours plus et prônant la nécessité de répondre à la demande générale pour se donner bonne conscience. Piégés dans un système exempt de toute sagesse et plaçant le profit au dessus du vivant, le monstre ainsi crée avait échappé à nos sociétés perdues dans l’artificiel.

Un mal de terre assombrissait le ciel et hérissait le courroux des esprits de l’air, de l’eau et du feu . L’histoire est un éternel recommencement et quand le grand sommeil achève son cycle d’enfermement, les jardiniers se réveillent et préparent leurs nouveaux champs.

O.V